Patrick Foissac Les projets intégrés, un apprentissage pour l’enseignant & l’étudiant

En bac 3, On perçoit chez les étudiants ceux qui ont déjà fait l’expérience des pédagogies actives. On peut imaginer que la multiplication des projets intégrés aura un impact positif sur leur réussite.

Il y a pas mal d'expériences qui sont intéressantes et que je pourrais mettre en avant grâce à la dynamique “Learning by doing” développée en faculté de sciences économiques, sociales et de gestion. L'idée c’est que les enseignants travaillent ensemble pour mettre en commun leurs matières et permettent aux étudiants de développer des savoirs, savoir-faire et savoir-être dans le cadre de projets intégrés. Personnellement, j’enseigne les langues étrangères et il y plusieurs projets dans lesquels je suis partie-prenante comme le « HackaCom » en communication ou le projet « innovation » pour les étudiants de gestion.

Dans ce dernier, j’ai le sentiment d’être allé au contact de l’esprit d’entreprendre des étudiant.e.s avec une orientation sur la durabilité et une ouverture sur la société. C'est un projet du tronc commun pour les BAC 3 en gestion et ingénieur de gestion. L’idée semble assez simple, les étudiant.e.s sont placés de façon aléatoire dans un groupe et ce groupe doit créer un produit ou un service lié à une thématique qui lui est donnée. Ensuite, chaque équipe réalise une vidéo de présentation afin de promouvoir son idée. Par exemple, dans le contexte COVID nous avions choisi le thème de la santé et les étudiants se sont mobilisés pour penser et créer des applications, des produits ou des services liés à ce thème. La marge de manœuvre qui leur est laissée est vraiment large et c’est ce qui semble le plus les avoir challengés.

Pour les étudiant.e.s, la difficulté du projet c'est de partir d’une idée assez abstraite et de la rendre concrète sans avoir de contrainte budgétaire « the sky is the limit », l’important, c’est d’être innovant.

Lors de cette expérience, j’ai eu le sentiment que les étudiant.e.s ont parfois du mal à être libres. Il n’était pas rare d’entendre : « Monsieur, mais qu'est-ce qu'on doit faire ? Qu'est-ce que vous nous conseillez? ». Bien entendu, c’est à eux de choisir, de faire un brainstorming, d’essayer de trouver un besoin et d’y répondre. S’il y a des hésitations entre plusieurs applications ou produits, je peux donner mon avis et guider, mais ils doivent venir avec une base. Donner la liberté, c'est parfois difficile comme si les étudiant.e.s n’avaient pas ou plus l'habitude de l’avoir. Si je regarde vers le futur, je pense que cette situation va changer quand on voit le nombre d’unités de projets intégrés proposé tout au long du parcours. Petit à petit, j’imagine que les étudiant.e.s vont intégrer ce concept grâce aux différentes opportunités qui leur sont offertes et seront moins étonné.e.s en arrivant en Bloc3.

Un deuxième chalenge que j’ai identifié est lié à la créativité. C'est dur d'être créatif, on le voit au niveau des produits qui ont été proposés, certains ont eu à cœur de développer des solutions créatives mais ce n’est pas une généralité. Grâce ce projet, les étudiant.e.s arrivent à créer un service qui n'est pas forcément viable de facto, mais qui est intéressant sur le plan de la démarche et des idées. Pour vous donner un exemple : un groupe a imaginé un robot en forme de petit chien pour expliquer à un enfant qui se rend à l'hôpital quel sera son traitement dans l’espoir de le décrisper…

Pour accompagner les étudiant.e.s dans ce cours, je commence par une présentation générale et ensuite je travaille à la carte avec les différents groupes, un peu à leur rythme. J'ai adapté une partie des cours  pour pouvoir rencontrer les groupes séparément afin de mieux répondre à leurs besoins. Ce format de réunion d’équipe permet de travailler plus finement pour définir certains objectifs, parler d’aspects propres à chaque projet, etc.

Au-delà du contenu du projet, un autre élément que ce format permet de travailler, c’est les relations au sein des équipes. Travailler avec les autres, c’est difficile, parfois la dynamique se met en place naturellement, parfois c'est plus délicat pour l’équipe de trouver son fonctionnement. Être dans un processus créatif, c’est passer par des phases de divergence et de convergence d’idées. Il y a des moyens de guider ces processus afin que chacun puisse contribuer et trouver sa place. Mon aide consiste à permettre aux étudiants de doser leur leadership afin de permettre l’expression de soi et l’écoute de l’autre.

Mon ressenti, c’est qu’il faut pouvoir accompagner les équipes afin que l’expérience d’apprentissage soit bénéfique pour tous. J’imagine que c’est pour cette raison qu’un moment fort du projet d'innovation est la partie transversale où les étudiant.e.s doivent analyser le mode de fonctionnement de leur équipe. En fin de projet, nous demandons aux étudiant.e.s de porter un regard réflexif quant à la réalisation de leur vidéo. Ils doivent s’interroger aussi bien sur le résultat que sur le processus ou sur leur ressenti par rapport à ce parcours. Le type de question que nous posons est : « qu'est-ce que j'apprécie dans notre vidéo, qu'est-ce qu'on pourrait changer, qu'est-ce qui a été plus difficile ou plus simple que prévu, comment me suis-je positionné.e dans le groupe, quel rôle y ai-je joué ? » Cette démarche est vraiment importante pour les pédagogies actives, notre intérêt en tant qu’enseignant c’est avant tout d’éveiller la conscience de l’étudiant.e sur ce qu’il ou elle a appris de l’expérience.

De plus, au-delà de permet à l’étudiant.e d’apprendre à se connaitre, c’est aussi un outil qui invite l’étudiant.e à décider de nouvelles stratégies à mettre en place dès le début d’un prochain projet. A mon sens, lire ce genre de réflexion est une démarche vraiment enrichissante pour l’enseignant.e même s’il faut toujours trouver un moyen de donner une note.

Le message que je souhaiterais faire passer à un.e enseignant.e qui voudrait tenter les pédagogies par projet, c'est qu'il ne faut pas craindre de se lancer. Il y aura des moments où on se retrouve face à l'imprévu et c’est justement ce qui est intéressant. Sortir de sa zone de confort et accompagner des étudiant.e.s à aller à la découverte de son domaine d’expertise c’est perdre un peu le contrôle sur la manière dont les choses se passent au bénéfice d’un apprentissage plus ancré dans la réalité des étudiant.e.s. Par exemple, je ne suis pas spécialiste en informatique et techniques de montages donc quand on me demande : « Monsieur vous nous conseillez quel logiciel ? » je réponds que je suis loin d’être spécialiste, je fais quelques propositions mais je laisse aussi la porte ouverte à d’autres solutions.

Travailler par projet, c'est en quelque sorte une leçon d'humilité. C’est aussi une démarche qui demande du temps et de l’investissement mais qui crée un niveau de contact avec les étudiant.e.s beaucoup plus chaleureux.