Maxime Prévot Namur et l’esprit d'entreprendre

Maxime Prévot est actuellement le Bourgmestre de la ville Namur et Président du cdH. Offrir aux jeunes la recherche d’un « mieux » plutôt que d’un «plus », favoriser la qualité à la quantité.

C'est important de sensibiliser les responsables politiques sur cette question d’éducation à l’entrepreneuriat. L'esprit d'entreprendre, on en parle facilement mais j’ai conscience que l’enseigner est complexe à mettre en œuvre. Ce n’est pas quelque chose qu'on inculque par magie ou qui s'apprend dans un cours magistral. Il faut que les étudiants puissent le ressentir et donc l’expérimenter.  Je reconnais que le politique peut prendre part à ce challenge en favorisant le contexte dans lequel ces expériences vont avoir lieu. C’est ce que nous nous efforçons de faire sur le territoire car nous souhaitons susciter l'envie des jeunes d’aller plus loin dans leurs mises en projet.

J’ai envie d’être à l’écoute et de comprendre les nouvelles générations. On remarque par exemple qu'un grand nombre de jeunes préfère gagner moins d'argent plutôt que d’être dans les embouteillages. J’entends cette quête de sens dont ils sont demandeurs. En travaillant sur les infrastructures de la ville, nous essayons de soutenir cette motivation des jeunes et leur permettre de mieux articuler leur vie professionnelle et leur vie privée. Les générations antérieures étaient plus orientées boulot, tout ça a évolué au niveau sociétal. Maintenant, il y a une demande de sens qui est plus forte. Les jeunes sont à la recherche d'un mieux plutôt que d’un plus. Ils valorisent davantage la qualité à la quantité.

C'est ce que je préconise politiquement comme président de parti, mais aussi comme bourgmestre. On a pu avec l'UNamur, le BEP, et d’autres, contribuer à l'émergence d'un projet comme le TRAKK, comme des espaces de co-working, etc. On s’inscrit dans cette volonté de promouvoir les initiatives locales et l'économie collaborative. L’intelligence collective et la créativité sont des moteurs essentiels pour le futur de notre ville.  Nous souhaitons pouvoir les stimuler afin que des projets voient le jour et grandissent soutenus par cette démarche collaborative de tous les acteurs concernés. Nous souhaitons pour Namur qu’elle réponde aux enjeux d’une ville reliante et d’une ville sensible où l’on utilise les technologies uniquement comme moyen et pas comme une fin en soi. L’objectif ici est de voir comment améliorer la vie de chacun en créant une plus-value sociétale dans les projets développés. Pour ça, il faut se rencontrer et échanger dans des lieux et des espaces propices pour le faire.

Nous sommes allés à Lyon voir le TUBA, un lieu expérimental où les gens se rendent comptent des démarches qui font naître un projet et ses phases. On a essayé de s'en inspirer en partie pour « Le Nid » que nous créons à la pointe du grognon pour Namur intelligente et durable. C'est le berceau de la ville, un lieu d'expérimentation citoyenne. Notre volonté c’est de convaincre le public que Namur se positionne de manière avant-gardiste sur les enjeux technologiques. Nous avons envie de stimule la créativité des citoyens et de leur donner l’envie de créer, plus que ce n'était le cas pour les générations antérieures.

Dans cette optique, différents acteurs se sont réunis pour créer trois lieux:

  • Le TRAKK qui est destiné au public des entrepreneurs et des étudiants
  • La pointe du grognon avec le Nid pour le public citoyen
  • Le Pavillon sur les hauteurs de la citadelle pour le public scolaire et touristiques.

On a donc trois lieux où on met en avant les enjeux de la technologie et de la créativité. Notre vision du développement d'un territoire aborde des questions qui tournent autour des transports, de la mobilité, de la chaîne alimentaire, de la gestion de l'habitat, etc. Ce que j'aimerais encore faire, c’est développer un pôle technologique principalement pour le jeu vidéo. Je pense que la Wallonie a les moyens d’être « la Silicon Valley » européenne du jeu vidéo et d’offrir des carrières à de nombreux jeunes passionnés.

Quand j’entends : « Moi, mon rêve c’est de devenir influenceur », j’entends aussi qu’il y a un dialogue intergénérationnel à construire entre ma génération et celles qui arrivent sur le marché de l’emploi. Quand je vois un jeune qui développe des jeux vidéo et crée sa boîte… le constat est identique. Ce sont de nouveaux businesses et les temps changent, on doit l'accepter, faire confiance aux jeunes et les soutenir…

C'est un peu la même logique vis-à-vis des jeunes et du sens de l'effort qui se dilue un peu dans nos méthodes éducatives. En tant que parents, notre génération consent à faire des sacrifices pour que ses enfants ne manquent de rien. Il faut y ajouter le fait que sociologiquement parlant, on a de plus en plus de couples qui se séparent. Il y a donc ce risque de surenchère comme processus de déculpabilisation. Tout ceci empêche les jeunes de mesurer l'effort à réaliser pour obtenir quelque chose.

Pourtant ce sens de l'effort est essentiel. Ça ne veut pas nécessairement dire se lever à 5h du matin pour aller travailler, ça peut l’être, mais ça peut aussi simplement être l'effort d'être patient. Accepter de faire des essais-erreurs successifs pour récolter dans 6 mois ou dans 6 ans les fruits du projet dans lequel on s’est investi. Ce n’est pas quelque chose de facile à inculquer mais c’est un ingrédient essentiel pour soutenir l’esprit d’entreprendre et les enjeux sociétaux qui font sens. En effet, grâce à cette quête de sens, on peut voir que les porteurs de projets dépassent généralement la recherche d'une plus-value économique pour aller nourrir un intérêt plus collectif.

Je me demande s’il ne faudrait pas enseigner l'histoire de Mark Zuckerberg ? L’histoire des réussites n'aurait-elle pas un impact plus favorable sur le développement de l'esprit d’entreprendre si on l’enseignait avant l’université? Cette volonté de se dire, j'ai envie de connaître aussi une « success story » comme Bill Gates pas uniquement d’apprendre l’histoire des Romains (bien qu’elle ait toute son utilité). Est-ce qu’on ne doit pas valoriser les succès stories ne fût-ce que pour expliquer aux jeunes que ces gens-là n’ont pas gagné des millions du jour au lendemain. Certains ont commencé dans un garage, ont persévéré alors que personne n’aurait misé sur eux et le succès est arrivé par la suite.

Soyez vous-mêmes, soyez curieux, soyez fous. Il faut inculquer la confiance en soi, parce que si on ne l’a pas, on ne supportera pas l'échec or dans un parcours de succès, il y aussi des échecs mais on doit être challenger pour avancer. L’échec est normal, aucun businessman ne réussit sans avoir connu d'abord des échecs. C'est ce que Mandela disait : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j'apprends. »

Tout ira mieux lorsque collectivement, on se dira : « Ne cherchons pas avoir plus, cherchons simplement à vivre mieux donc basculons sur le qualitatif plutôt que le quantitatif ».

Ce n’est pas facile à mettre en œuvre à l'échelle d'une ville. On y travaille, en tout cas on essaie… dans les quartiers, dans les écoles, etc. Cependant, les villes et communes n'ont pas nécessairement dans leur mission de base des lignes d'actions qui sont en lien avec le développement de l’esprit d'entreprendre. Par l'éclosion des différents projets qui sont mis en œuvre comme le TRAKK, l'espace de co-working, le Pavillon et le Nid on peut espérer un effet de percolation. De mon de point de vue, créer un environnement propice est le levier que la ville peut activer pour soutenir l'esprit d'entreprendre des jeunes…