Corentin Burnay Apprendre la prise de décision avec un jeu d’entreprise

Corentin Burnay enseigne en science de gestion des matières qui sont liées au management. Grâce à un business game virtuel, il place les étudiants en situation d’apprentissage où ils doivent gérer leur propre entreprise.

J’interviens comme chargé de cours dans le département des sciences de gestion. J'enseigne des matières qui sont liées au management, tout ce qui touche plutôt à la gestion de projet et notamment la simulation de gestion, où j'ai identifié de nombreuses possibilités liées au développement des compétences entrepreneuriales des étudiants.

Le bachelier en sciences économiques et de gestion propose un cours de simulation de jeu d’entreprise, où j’interagis avec de nombreux étudiants, pressés d'être dans une situation où ils doivent gérer leur propre entreprise. Mon cours passe par l’utilisation d’un outil informatique qui permet de simuler l’impact de toute une série de décisions prisent par les étudiants lorsqu’ils fixent des prix de vente, stockent de la production, lancent une campagne marketing ou de recherche et développement, etc. Toutes ces variables sont prises en compte par un simulateur qui produit des indicateurs et un état financier afin d’informer les équipes de la situation dans laquelle se trouve leur entreprise virtuelle. Semaine après semaine le scénario évolue au gré de leurs décisions et ils gèrent leur entreprise tout au long du cours.

C'est clairement une expérience qui leur permet de développer pas mal de compétences qui seront utile à un entrepreneur. Bien entendu, ce n’est pas un jeu de création d’entreprise car l’entreprise existe déjà lorsque les étudiants arrivent mais ils prennent tout de même conscience des problématiques liées à l'entrepreneuriat. De plus c’est l’occasion d’attirer leur attention sur une certaine complexité de la réalité lors d’apprentissage par l’expérience. Lorsque les étudiants arrivent ils ont parfois l'impression que l’important pour l’enseignant sera de valoriser les équipes qui réaliseront les meilleurs chiffres. Ils vont prendre des décisions pendant 3 mois et pensent que si à la fin, le bénéfice de leur entreprise est négatif, ils seront en échec dans le cours.

Moi, j'essaie justement de leur expliquer que le plus important ce n’est pas résultat final. Le fait qu’ils soient en perte à la fin ce n’est pas l’indicateur qu’ils n’ont rien appris. Ce qui m'importe, c'est le cheminement, c’est de leur montrer peur progression face à des problèmes complexes. Dès le début du jeu ils sont confrontés à des problèmes et au début ils ne les gèrent généralement pas trop bien. Puis à la moitié du jeu, quand ils recroisent ce même type de problèmes, là, ils sont déjà un peu plus aguerris. Au final, au terme du jeu, la plupart sont en confiance et certains vont même un peu plus loin en expérimentant des solutions créatives, etc. C'est ça qui m'intéresse. C'est de voir l’arrière du décore, comment ils ont été professionnels et ce ils ont appris de leurs expériences. Ce qui est riche, c'est vraiment de pouvoir faire un focus sur le temps qu’ils ont passé à apprendre et sur leur cheminement.

Dans le jeu, les étudiants ont déjà une structure qui est fixée mais on peut parler d’intrapreneuriat dans ce cas. C'est à eux de venir avec de nouvelles initiatives, de nouveaux projets, de nouvelles productions en interne et de les faire aboutir. Ils doivent surtout et ça, c'est important, adopter une vision très complète sur le projet qu’ils portent.

Je pense que les étudiants sont vraiment amenés à mobiliser des compétences entrepreneuriales à différents niveaux. Évidemment, il y a la gestion du risque et de l’incertitude, mais ce n'est pas seulement tout. Il y a toute la problématique autour de la créativité, de la collaboration entre eux et de la communication tant en interne dans leur structure ou dans leur projet simulé que vers les acteurs extérieurs.

On peut d’ailleurs se poser la question de savoir si le jeu d’entreprise aide les étudiants à se positionner par rapport au master en immersion. Dans cette filière les étudiants passent une partie de leur cursus dans une entreprise à travailler sur un projet spécifique. Tout au long de leur formation ils développent alors de nombreuses soft skills pour mener de front leur programme d’étude et leur projet universitaire en lien avec les besoins de cette entreprise. Pour les étudiants qui ont apprécié prendre des initiatives et être créatif lors du jeu c'est peut-être une formule qui fait sens. Donner de la visibilité et articuler les différentes expériences offertes par les pédagogies actives au sein de l’UNamur c’est en tous cas un pas de plus pour soutenir la diversité dans nos méthodes ainsi que l’esprit d’entreprendre.

Pour parler de mon retour d'expérience, j'ai envie d’insister sur le fait que ça arrive très vite de se mettre en tête qu'il a plein de choses qui sont logiques, acquises, naturelles. En fait ce n’est pas forcément le cas, ce sont des constructions qu'on acquiert avec la formation universitaire et l’expérience du terrain. Dans le jeu de simulation par exemple, on se rend compte qu'il y a des choses qui nous semblent évidentes mais qui ne le sont pas forcément pour les étudiants. Spécialement quand on met les étudiants dans cette démarche d'autonomie, où on leurs demande d'être proactifs et qu’on les met dans une situation d'inconfort.

Ce qui est révélateur, c'est cette prise de conscience relativement lente sur la façon dont ils vont devoir gérer leurs projets. On est parfois un peu impatient en tant qu'enseignant, on s’attend à ce que tout soit directement comme on l'imagine parce que ça nous semble évident, parce que c'est dans nos codes et dans nos pratiques.

Quand on est dans un jeu, on arrive à observer cela, on stimule les prises de décision, on stimule cet esprit d'entreprendre, on est beaucoup plus patient avec les étudiants parce qu'on les voit évoluer petit à petit. C’est ce côté que je trouve vraiment enrichissant et que j’apprécie car les étudiants et moi sommes dans de bonnes dispositions pour envisager comment les amener à se dépasser, à construire des solutions et à les expérimenter.