Oscar Bernal Apprendre en équipe et par projet

Enseignant, il témoigne de son expérience au sein d’une équipe pédagogique pluridisciplinaire dans le cadre de l’unité projet – entrepreneuriat –  des bacheliers de la faculté de sciences économiques, sociales et de gestion.

Nous ce que nous souhaitons au travers de cet unité projet, c'est faire travailler les étudiant.e.s à l’élaboration d'un business plan. Cet outil peut s'utiliser dès qu'il y a un projet   de création de valeur qu’elle soit économique, sociale, culturelle, environnemental, etc. L'objectif est d'amener les étudiant.e.s à réfléchir à une nouvelle activité qui peut se greffer soit dans une organisation existante (intrapreneuriat), soit d’imaginer ce que pourrait être le lancement d'une nouvelle structure (entrepreneuriat).

On souhaite permettre aux étudiant.e.s de réfléchir de manière rigoureuse à tout ce qui est nécessaire pour pouvoir piloter un projet entrepreneurial. On veut qu’ils/elles trouvent une façon de mettre ensemble les compétences qu'ils/elles acquièrent dans les différents cours qui se trouvent dans leur cursus (marketing, l'étude de marché, aspects comptable et financier, aspects organisationnels, relations humaines, etc.). Les étudiant.e.s, par équipe de 4, doivent brainstormer, s'entretenir avec leur entourage, les autres étudiant.e.s, les professeur.e.s, les assistant.e.s pour tester la qualité de leur projet.

On leur laisse une certaine liberté et dans le processus, on a pu observer qu’un grand nombre d'étudiant.e.s se tourne vers des activités responsables ou des activités qui relèvent de la création de communautés autour de valeurs bien précises. Cette démarche sociétale nous l’accompagnons car nous souhaitons qu’ils/elles l’incorporent dans leur projet, qu’ils réfléchissent à l'impact sociale et/ou environnementale que peuvent avoir leurs propositions. La contrainte, c'est de dire: « quoi que vous élaboriez, vous devez avoir une réflexion sur son impact environnemental et social ».

A titre personnel, il y a un aspect qui me conforte dans l'idée que nos efforts portent leurs fruits, c’est le développement des soft skills autour du travail en équipe. Un élément innovant du dispositif c’est que les enseignant.e.s constituent les équipes et les étudiant.e.s se retrouvent dans une situation plus proche de la réalité professionnelle car ils/elles ne choisissent pas leurs collègues. Ils/elles se retrouvent à travailler avec des personnes qu’ils/elles doivent découvrir tout comme dans les organisations.

Au début certains étudiant.e.s ont pensé que ça serait un frein et au final ils/elles constatent qu’ils/elles s’en sortent extrêmement bien. C’est ce que nous pouvons lire dans les rapports que produisent les étudiant.e.s lorsqu’ils/elles posent une réflexion sur leur expérience du travail d’équipe tout au long du projet. En parcourant leurs récits, ce qui me touche énormément, c’est de lire des conclusions telles que : « on était frileux de travailler avec des gens qu'on ne connaissait pas, mais on s'est rendu compte au travers de cette expérience, que le travail d’équipe nécessite vraiment des compétences telles qu’apprendre à s'organiser ou communiquer et c’est ce que cette expérience nous enseigne », ou cet autre groupe qui écrit « au sortir de cette expérience, on ne va sans doute pas devenir des amis proches, mais on a appris à travailler avec des gens avec lesquels on n'a de prime abord pas d’affinités ». Je trouve qu’avoir la capacité d'avoir ce recul sur une expérience, c'est quand même la preuve d'une grande maturité acquise. On voit un bond en avant en termes d'expérience, finalement de vie.

Pour nous enseignant.e.s c’est aussi une expérience enrichissante. De nombreux étudiant.e.s ont dû mettre de l'eau dans leur vin, sortir de leur zone de confort pour appréhender l’incertitude et construire une nouvelle dynamique de groupe. Il y a vraiment quelque part chez certain.e.s comme un déclic lorsqu’ils/elles réalisent la pertinence de l’enseignement par projet, l’utilité de se mettre en difficulté pour en tirer des apprentissages. Ce que l’on cherche dans notre profession c’est transmettre et quand on voit ce moment de basculement se produire c’est une source de reconnaissance.

Au-delà des aspects liés à l’équipe, je pense que la mise en projet de nos étudiant.e.s. leur apporte aussi de décloisonner leurs connaissances. Jusqu’à la réforme une majorité d’étudiant.e.s apprenait ses cours de manière complètement segmentée et on ne leur donnait que rarement l’occasion de les articuler. Aujourd’hui c’est chose faite, nous nous étions donnés comme objectif qu’ils/elles puissent se rendre compte de la pertinence du décloisonner des connaissances et cette prise de conscience a effectivement lieu.

Une deuxième compétence valorisée dans l’unité intégrée c’est la prise d’initiative en autonomie. La mise en projet apporte son lot de problèmes et les étudiant.e.s peuvent parfois se sentir quelque peu bousculé.e.s. A plusieurs reprises, ils/elles se retrouvent en situation difficile et c'était parfois une étape nécessaire pour certaine.e.s. Je pense par exemple à l'organisation et la planification du travail, lorsqu’il y a des échéances très précises et peu de consignes du type recette de cuisine. Cette espèce de mise en abîme qui les bouscule et les pousse dans leurs retranchements est ensuite porteuse d’initiatives et de renouveau dans leur manière de fonctionner.

On dit souvent que l’UNamur est une université proche de ses étudiants avec une pédagogie humaine. Je pense que c’est vrai et qu’il ne faut pas se tromper en considérant qu’être proche des étudiant.e.s, ça veut dire les materner ou leur mâcher le travail. Moi, ce que j’entends par pédagogies humaine, c'est une démarche où l’on donne énormément de moyens aux étudiant.e.s pour qu'ils/elles puissent se dépasser. Pour qu’ils/elles réussissent ce défi, cela implique en contrepartie que l’on se montre juste et exigeant sur la qualité de leurs productions.

Dans l’enseignement, et l'université n’est pas une exception, les enseignant.e.s peuvent rapidement se sentir isolés même si la profession est au cœur d’interactions et d’échanges. Dans ce contexte, l’enseignement par projet m’apporte énormément tant humainement que professionnellement. En effet, ce type de pédagogie permet de construire des ponts entre collègues, de partager nos visions individuelles et de les dépasser dans l’intérêt de nos étudiant.e.s. Tout comme nos étudiant.e.s, nous avons dû trouver une façon de fonctionner ensemble. Je trouve que c'est positif parce que quelque part, on envoie aux étudiants une image de la faculté et de ses départements qui est très différente de celle qu’on avait lorsqu’on donnait une collection de cours séparés. De plus, en nous impliquant nous aussi en équipe nous sommes certainement plus en mesure de reconnaître et comprendre ce que les étudiant.e.s vivent au sein de leurs projets. Le challenge se situe dès lors aussi bien du côté des étudiant.e.s que du côté des enseignant.e.s.